par Jibé

OPPIDUM : CRY HAVOC au cœur de la Guerre des Gaules


Oppidum reprend directement les règles et les concepts du vénérable Cry Havoc, et les adapte cette fois à la Guerre des Gaules.

Après les Croisades avec Guiscard, la conquête normande de l’Angleterre avec Deus Vult (Deix Aïe), ou encore la geste de Robin des Bois avec Sherwood, la série s’enrichit donc d’un nouveau cadre historique, toujours servi par le même système éprouvé.



Des hexagones, des cartes et des combattants


Comme dans la grande majorité des jeux de guerre de type hex-and-counter, les joueurs s’affrontent sur de grandes cartes illustrées, déjà dessinées et divisées en hexagones.

Chaque type de terrain y influence le mouvement, les lignes de vue ou les résultats du combat.


Les pions représentent chacun un combattant, ou plutôt son statut.

Comme dans les autres titres de la série, chaque personnage dispose de deux ou trois pions (avec leur recto-verso) pour indiquer ses différents états : en ordre, assommé, blessé, mort, à cheval ou démonté.

Ces variations de statut modifient les valeurs de mouvement et de combat, offrant un rendu à la fois détaillé et lisible.




Une nouveauté : la gestion des armes de jet


Oppidum introduit un concept additionnel particulièrement adapté à son époque : la gestion des munitions et des armes de jet.

Contrairement aux archers et frondeurs, dont les réserves sont considérées comme illimitées, les javeliniers et fantassins ne disposent que d’un nombre restreint de projectiles — généralement de un à trois lancers.


Pour en garder la trace, le joueur utilise une table dédiée et l’un des pions non utilisés associés au combattant concerné.

Ce système est à la fois simple et ingénieux : il reproduit fidèlement la réalité des combats antiques sans multiplier inutilement les marqueurs.

Il demande certes un peu de mise en place et d’attention, mais reste bien plus fluide que l’ajout d’une multitude de pions supplémentaires.


C’est un apport à la fois pertinent et immersif, qui renforce l’identité du jeu et colle parfaitement à l’esprit de la période.



Une échelle resserrée pour des affrontements tactiques


L’échelle d’Oppidum est relativement serrée, aussi bien dans l’espace que dans le temps : chaque tour représente moins d’une minute.

Ce choix fait du jeu un système avant tout pensé pour des combats d’escarmouche, des assauts locaux ou des sorties ponctuelles, plutôt qu’une reconstitution de batailles d’envergure.


Le système de combat reste classique : on compare les valeurs des combattants, puis on croise le résultat avec un jet de dés.

Le tout se résout rapidement, sans lourdeur ni tables interminables.

Rien de rebutant pour des joueurs occasionnels, et même la gestion de la précision des tirs à distance reste simple et cohérente.


La gestion des montures est sans doute l’aspect le plus technique du jeu, car elle introduit des interactions entre cavaliers et chevaux. Cela peut sembler un peu plus complexe lors des premières parties, mais l’ensemble demeure logique et bien articulé.




Une approche progressive des règles


Pour les joueurs irréguliers ou novices, Oppidum facilite grandement l’apprentissage grâce à ses règles progressives.

Les notions de base suffisent pour démarrer une première partie, tandis que les règles correspondant à des concepts particuliers (formations tactiques, sièges, etc.) sont séparées et clairement identifiées dans le livret.


On peut donc commencer à jouer sans tout apprendre d’un coup, et intégrer les modules avancés au fur et à mesure.

C’est une approche pédagogique qui rend le système particulièrement accessible, sans sacrifier la profondeur tactique.




Des scénarios structurés et variés


Comme dans le reste de la série, Oppidum propose des scénarios prédéfinis : cartes, forces, déploiements et objectifs sont fixés à l’avance.

Ces scénarios sont regroupés par catégorie de règles et niveau de difficulté, permettant d’adapter le jeu au profil des participants.


Le jeu de base comprend seize scénarios tactiques, chacun accompagné de son contexte historique.

Ce nombre place Oppidum dans la fourchette haute des jeux récents de la série, avec une belle variété de situations et de défis.

Les escarmouches proposées couvrent différents types d’affrontements : embuscades, assauts d’oppidum, défenses désespérées… de quoi explorer en détail les guerres de César et de ses adversaires gaulois.



L’absence de campagne : une occasion manquée


Malheureusement, Oppidum ne propose pas de campagne, ce qui surprend dans une série où presque tous les jeux récents en disposent — à l’exception de Sherwood, destiné davantage à l’initiation.


Cette absence est d’autant plus regrettable que la Guerre des Gaules offre un cadre particulièrement riche pour concevoir des campagnes modulaires :

la révolte d’Ambiorix, la guerre des Vénètes, ou encore les soulèvements armoricains auraient pu servir de fil conducteur, sans qu’il soit nécessaire de forcer le système vers des affrontements d’échelle trop vaste, comme Alésia.


Cela dit, la série Cry Havoc a toujours bénéficié d’une forte communauté de créateurs : revues, clubs et joueurs proposent régulièrement des extensions et scénarios maison.

De plus, Oppidum inclut lui-même un outil de création de scénarios, ce qui permet d’imaginer ses propres batailles.


Mais le constat demeure : pour un jeu aussi riche en possibilités, l’absence d’une campagne officielle laisse un petit goût d’inachevé.




Les extensions : continuité et promesses


Deux extensions accompagnent ou suivront le jeu de base.

    •    L’Oppidum Celtique, déjà parue, ajoute trois cartes combinables d’oppidum pour étendre les possibilités tactiques en matière de guerre de siège, ainsi que quatre nouveaux scénarios.

    •    Lorica Segmentata, prévue pour fin 2026, simulera les guerres frontalières de Rome contre les Bretons, les Germains, les Daces, les Parthes et les Juifs.

Cette extension inclura quatre nouvelles cartes, des règles additionnelles, et de nouveaux pions, mais — hélas — toujours pas de campagne annoncée.


Ainsi, Oppidum et ses extensions poursuivent la tradition de la série : un cadre historique précis, une belle profondeur tactique, et un système éprouvé, mais sans passer encore à la dimension narrative que les joueurs les plus investis aimeraient voir apparaître.




Un héritage solide et vivant


En définitive, Oppidum s’inscrit pleinement dans la lignée des jeux Cry Havoc.

Son système est solide, ses règles bien rodées, et ses nouveautés, bien que modestes, enrichissent réellement l’expérience de jeu.


La gestion des armes de jet, l’échelle fine, les scénarios nombreux et la clarté des règles en font un excellent titre tactique, idéal pour les amateurs d’escarmouches historiques.

On regrettera simplement que la série ne pousse pas plus loin la dimension narrative par l’ajout d’une campagne, tant le cadre de la Guerre des Gaules s’y prêtait.


Mais qu’on ne s’y trompe pas : Oppidum reste un très beau représentant du système Cry Havoc, précis, immersif et fidèle à son héritage — une réussite pour les passionnés d’histoire et de tactique.

© Copyright 2024 Albiminifig